20110530

3 messages à Victorin Lurel, encargat de las Lengas de França al “Parti Socialiste” francés.

Adishatz totes.
Seguint aquèra publicacion suu son blòg d'en Victorin Lurel, vice-president deu grope socialista en çò de l'Assemblée Nationale, pertocant las lengas regionaus e minoritàrias (http://lurel.parti-socialiste.fr/2011/05/22/les-langues-regionales-toujours-en-quete-d%E2%80%99un-statut-juridique/),  que l'envièi en francés lo comentari aqueste… demandant-vse excusa se tíran drin de long…

Monsieur,
Si les commentaires qui suivent peuvent étayer un argumentaire en faveur de nos langues et de nos cultures régionales, j'en serai heureux et vous invite à y puiser sans retenue.

1. Commentaire publié sur la page Facebook de Pouria A..mirshahi, Secrétaire national du PS à la coopération et aux droits de l'Homme, sous son article «Français du monde : une chance pour la France (15 mai 2011)».

Ce n’est pas le multiculturalisme qui a échoué, c’est le communautarisme.
Le communautarisme, c’est l’autosuffisance culturelle, la cohabitation entre diverses cultures toutes endogames, sans échange ni enrichissement mutuel, comme si l’appartenance familiale ou ethnique devait ou pouvait constituer le seul horizon du sujet. C’est ce qu’a promu pendant plusieurs générations le modèle anglo-saxon. C’est en effet un échec, parce qu’une nation peut être constituée de plusieurs peuples, mais tous doivent adhérer au projet d’une société, d’un édifice commun.
Le multiculturalisme, c’est le brassage des cultures, et la possibilité d’en revendiquer et d’en assumer plusieurs. Français ET occitan, canadien ET québécois, parlant trois langues et en baragouinant une ou deux autres, je me revendique et m’assume multiculturel. Malheureusement, la République française a toujours eu un problème avec ses cultures périphériques, perçues comme obligatoirement centrifuges, et à ce titre refoulées.

2. J'ai également adressé à Mr Michel Onfray, grand pourfendeur de langues régionales devant l'éternel, le courriel suivant intitulé «Langues et ouverture» :

Cher Monsieur

Admirateur habituel de vos travaux, j’ai été passablement déçu par une tribune du Monde dans laquelle, sous prétexte de promouvoir l’espéranto, vous vous livriez à des attaques faciles et simplistes contre les langues régionales. D’autres vous ont répondu par quelques volées de bois vert. Vous avez la peau dure et êtes de longue date rompu à ces contre-attaques.
Je me contenterai de lever ici une incompréhension difficile à expliquer chez un philosophe de votre niveau.

Les langues régionales ne sont pas un signe de repli identitaire.

Né au Vietnam de parents français, j’ai très tôt grandi dans la diversité culturelle. À cinq ans, j’étais un enfant bilingue, parlant aussi bien le français que le vietnamien (dans la mesure où un garçon de cinq ans parle «bien» une langue). J’ai tout perdu de mon vietnamien, ayant cessé de le parler à six ans. Mais j’en ai gardé une certaine ouverture aux langues et aux cultures.
Je ne parle plus aujourd’hui que l’anglais (assez bien pour donner quelque temps le change à des locuteurs natifs, à l’occasion), le français (assez bien pour commettre des vers post-parnassiens) et le gascon (non sans difficulté, mais assez bien pour traduire de la littérature anglaise ou française dans cette langue occitane).
Je lis couramment des romans espagnols dans le texte et des articles de presse en portugais, en catalan ou en italien, traduis par plaisir des vers latins ou du vieux saxon, lis l'ancien et le moyen français couramment.
Vous l'aurez compris, j'aime les langues, toutes les langues. J'aime le langage.

Pourtant, entre l’âge de six ans et ma vingtième année, je ne portais aux «autres» langues qu’un intérêt fort lointain.
C’est en quittant ma Gascogne et en visitant le nord de la France dans le cadre de mes études que je suis «devenu» gascon et occitan : souvent l’éloignement nous rend à nous-même.
En renaissant à ma langue et à ma culture régionales, je me suis ouvert au monde. Mon niveau d’anglais s’est amélioré parallèlement à mes progrès en gascon, ma curiosité pour l'aventure humaine, son histoire, sa géographie, sa littérature s’est éveillée et n’a plus connu de repos depuis. Revendiquer mon identité culturelle (en aucune manière ethnique) ne fut en aucun cas un repli. J’appelle ces années (de mes vingt à mes trente ans, en gros) ma décennie des lumières, mon Aufklärung.
En point d’orgue de cette quête de sens, j’ai émigré à Montréal où j’ai appris, bien entendu, à joualer. Sans affectation ni moquerie : simplement, spontanément, parce que le dialecte québécois est riche de locutions irremplaçables qui sont là pour servir. J’y ai aussi perfectionné mon anglais, bien sûr, cette langue étant très présente dans la métropole québécoise, et mon espagnol, Montréal accueillant une importante communauté hispanophone. J’y ai en outre amélioré… mon français «standard», car je suis convaincu qu’aucune langue n’est maîtrisable au degré ultime, pas plus notre «langue première» qu’une autre.

Dans le même temps, mon séjour de sept ans aux Amériques, terre de libéralisme sauvage, a renforcé ma «francité» et mon européanisme, et donné forme et substance à mes convictions républicaines… et socialistes.
Je crois que les Français s’ouvriraient bien plus aisément et bien plus volontiers au monde s’ils cultivaient d’abord le respect de leur propre diversité. En retour, cette ouverture au monde les rendrait plus forts et plus sûrs d’eux-mêmes. Malheureusement, nous détestons les langues encore plus que les mathématiques. Personne sur terre ne semble plus réfractaire aux langues, à part bien sûr les Anglo-Saxons. L’anglais a un tel pouvoir d’aliénation linguistique que j’ai entendu des Irlandais m’expliquer avec passion… leur haine du gaélique, leur langue ancestrale, aux tournures et à la musicalité pourtant incomparables.

Et l’espéranto, dans tout ça ? Au risque de manquer d’originalité, je dirais que sa force est sa faiblesse : langue de tout le monde, il n’est la langue de personne. Sur la liste des langues que j’aimerais acquérir dans les prochaines années si j'en avais le loisir figureraient l’allemand, l’arabe, l’islandais, le lakota, le grec ancien, le vietnamien (à réapprendre)… N’allez pas m’en vouloir, mais s'il fallait y trouver une place pour l’espéranto, ce serait après les trois mille autres encore parlées par l’espèce humaine («heureusement», si j'ose dire, ce nombre se réduit de jour en jour), sans oublier deux ou trois langues mortes.
Peut-être sauriez-vous me convaincre de la pertinence et de l’avenir de cette langue. Ce ne sera pas, en tout cas, en dénigrant la mienne.

Bien cordialement,
Jean-Yves Gaubert

-----------------------------------seconda responsa---------------------------------------

Respondegèri al Lurel. Veirem ben se lo moderator daissarà plaça a l'occitan.
Sénher Lurel,
Sabi pas se devi plorar o riure d’aqueste comunicat vòstre.
Quand èretz al poder vosautris socialistas, avètz pas res fèit de realament positiu per las lengas minoradas, sonque perdre de temps en fèr creire al monde que las causas anirián en avançar. Perqué las causas cambiarián ara ?
La vertat es qu’amb aquel comunicat de 11 linhas volètz obténer qualquis vòts per las eleccions mas aquí, non enganatz pas degun.
Nosautris occitans, avèm pas res a ganhar amb las vòstras promessas que menan a pas res.
Ja fa longtemps qu’o avèm comprés.
Vos demandi doncs amb solemnitat d’arrestar aquelas ipocrisias: serà de melhor fèr. Nos estimatz pas e vos estimam a pas vosautris los jacobins.
Amb los mius saluts occitanistas.

Terric

---------------------------------tresena responsa ----------------------------------------

Cher M. Victorin Lurel:
Je ne suis pas de citoyenneté française bien que je sois né en France où habitaient mes parents lors de ma naissance. J’ai appris à aimer le pays où je suis né et où j’ai vécu d’enfant. J’y suis revenu très souvent. J’ai 52 ans, je suis marié et j’ai deux enfants jeunes adultes qui ont hérité mon amour pour les langues.
À Marseille, d’enfant, je parlais catalan chez mes parents et avec mes frères et sœurs et le français d’influence provençale dehors. Ça déjà été vexant quand le Département de Français de mon université espagnole m’a obligé à perdre mon accent marseillais si je voulais être interprète international de conférence en langue française. Par contre, les élèves de classe avec un accent espagnol n’ont eu aucun reproche. Mon accent était inacceptable, le leur non. Vous jugerez vous-même la qualité de mon français.
Le Département d’Anglais ne m’a jamais demandé de changer mon accent australien. Ce n’est pas que les langues régionales françaises qui sont poursuivies sinon la diversité du français régional.
J’ai appris l’anglais en Australie où nous avons déménagés et où j’ai vécu jusqu’à l’adolescence. Ma mère m’a parlé français aussi pour que je ne perde pas la langue. Elle le parlait fort bien e m’a fait aimé la langue et la civilisation française. Étant espagnole, elle a fait un bel espace chez moi pour le français. Elle aimait les langues.
Avec mon père c’était toujours le catalan. J’ai appris l’espagnol, par contre, dans des cours du Club Espagnol de Sydney où mes parents m’envoyaient et, surtout, à mon arrivée en Espagne à l’âge de 15 ans. À lâge de 10 ans je parlais 4 langues. Je les parlais toutes bien mais le catalan est resté ma langue familiale et ma première langue du cœur. Le cœur peut bien se multiplier car un proverbe espagnol affirme que «le savoir n’occupe pas de lieu».
À l’âge de 20 ans je me suis aperçu que je ne parlais pas la langue ancestrale de mon pays de naissance. Je parlais le français mais je ne parlais pas l’occitan. J’ai passé un été dans le Vaucluse pour écouter l’occitan provençal qui m’entourait. Je l’ai appris avant avec la lecture des troubadours et des grands romanciers occitans du XXème siècle. Au lycée d’Elx, au sud du Pays Valencien, j’avais appris que la France avait donné la première langue romane de culture d’Europe, un prix Nobel et qu’il s’agissait de la langue que parlait le paysan marseillais avec mon grand-père de langue catalane quand il nous visitait à la Marseille de 1965. Mon grand-père était né à 1300 km au sud mais ils les comprenaient grâce à la proximité de deux langues latines, tellement proches.
Plus tard j’ai appris très vite le portugais et l’italien. Je parlais 4 langues latines qui sont devenus 6. Le bilinguisme est toujours avantageux. S’il appartient à la tradition d’un pays il s’agit d’un trésor unique.
Et mon anglais australien m’a ouvert beaucoup les portes, dont la germanique avec l’allemand : 6+2=8
Ma première langue demeure la catalane. Ce n’est pas une langue régionale sauf que nous soyons d’accord que toutes les langues le sont dans la mesure qu’elles occupent un petit morceau de la planète même les plus grandes. Le catalan est officiel dans trois régions autonomes espagnoles : la Catalogne, le Pays Valencien et les Îles Baléares. Elle est aussi, juridiquement, une langue d’État aux Nations Unies. Peu importe que l’État soit aussi petit qu’Andorre quand il y a plus de 10 millions de locuteurs de catalan en Europe. C’est le nombre de locuteurs du grec et il doit y avoir une belle douzaine de langues «d’État » européennes avec moins de locuteurs. Le français est aussi une langue régionale en Suisse ou en Belgique mais la France fait qu’elles soient plus fortes dans leur région.
Le monde entier regarde vers la France et s’étonne. Un pays qui a su souvent être à l’avant-garde du progrès n’arrive pas à s’aimer et à se connaître dans sa diversité linguistique et culturelle. Le Conseil Constitutionnel estime «que les langues régionales qui appartiennent au patrimoine de la France n’instituent pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit».
Il faudrait bien changer une Constitution injuste ou en faire une lecture ouverte au monde et au progrès. Le monde regarde la France et si la France veut être respectée dans le monde entier il faudra bien qu’elle évolue et qu’elle apprenne à s’aimer et à se respecter elle même.
Salutacions corals catalanes des d’Elx, a Espanya
Coralas salutacions occitanas dempuèi Elx, Espanha
Joan-Carles Martí i Casanova
Elx (Pays Valencien) Espagne